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qlq racontes
06/06/2007 16:06
Djha (djouha)
Le beau costume

Un jour d'entre les jours, Dj'ha fut invité à une noce. Négligeant comme à son habitude, il ne jugea pas utile de changer de vêtements et s'y rendit dans son costume de travail.
Il se mêla à la foule des invités et constata avec déception que personne ne s'intéressait à lui. Les pâtisseries de toutes sortes et les rafraîchissements passèrent sous ses yeux sans que personne ne songeât à lui offrir. Seul dans son coin il méditait tristement, puis brusquement, il se leva, retourna chez lui pour revêtir sa belle djellaba de soie des jours de fête, ses babouches dorées, une chéchia toute neuve et revint à la maison du mariage, paré comme un prince.
Il fau aussitôt entouré, gâté, choyé.
-Ya Si Dj'ha par ci, marhba bik par là, et comment va ta mère, et comment va ton père, et comment va ta santé, et comment vont les affaires, etc.
Et Dj'ha souriait, heureux de cet accueil chaleureux, répondant à celui-ci à celui-là:
-El hamdoulah! Ma mère va bien, merci, mon père va bien, merci, la santé va bien, merci, mes affaires vont bien, merci.
On le fit asseoir à la meilleure table et le marié lui-même vint lui offrir à boire et à manger.
Mais avant de toucher à aucun des mets délicats qu'on lui proposait, il ôta son beau costume, le plaça sur le dossier de la chaise et lui dit:
-Mange et régale-toi, ô mon vêtement!
Ses hôtes et leurs invités ne comprirent rien à cet étrange comportement et lui en demandèrent la raison.
-C'est bien facile, leur répondit-il, l'honneur que vous me faites s'adresse à mon beau vêtement et non à moi-même.
Tout à l'heure alors que j'étais pauvrement habillé, personne ne me prêta attention.
Il est normal donc que cette djellaba à laquelle je dois ces égards profite elle aussi de ce festin!
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Le coq tombé dans le puits!

Grand émoi dans la ville en cette veille de vendredi. La femme du boucher accourut essoufflée chez l’Immam pour lui annoncer:
-Ya imam! Le coq est tombé dans le puits. Crois-tu que l'on puisse le consommer? Est-il encore hallal?
-Ah non! Affirma l'immam d'un ton péremptoire. Tu sais bien qu'un animal ne peut être déclaré licite que lorsqu'il a été égorgé rituellement.
-Il faut donc le jeter?
-Sans aucun doute!
-Je vais de ce pas le dire à ton épouse et elle va être bien embarrassée pour préparer le couscous du vendredi, car c'est ton coq qui est tombé dans le puits.
l'immam immédiatement changea d'attitude:
-Attends un peu, ma fille. Tu as bien dit qu'il était tombé dans le puits?
-Oui, Immam!
-Il était donc vivant et en bonne santé avant de tomber?
-Je le crois.
-Dans ce cas, on doit pouvoir le saigner tout de suite et il sera hallel.
-C'est ça! On peut arranger cela en s'y prenant vite!...
Depuis cet incident mémorable, on dit, pour dénoncer les tartuffes et les personnes qui n'appliquent pas à eux-mêmes la même rigueur dont ils font preuve envers autrui:
"Ya immam essrdouk tah fel bir!
Ô Immam, le coq est tombé dans le puits!"
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Djha: Le chat et la mariée.
Un homme avait invité ses amis à son repas de noces.
Il s'arrangea pour qu'un chat traverse la table pendant le déjeuner et, faisant mine d'entrer dans une violente colère, tua d'un coup de pistolet le pauvre animal.
Ayant assisté à cet incident, un ami, marié depuis plusieurs années, lui demanda la raison de cette fureur subite.
-La seule façon de se faire respecter par son épouse, lui répondit-il, et ne pas se faire dominer est de montrer sa force et sa détermination dès le premier jour.
Tu connais le proverbe:
"Adrab al qata, tatraba laâroussa!"
Frappe le chat, la mariée sera éduquée!
Très impressionné, l'homme qui manifestement ne portait pas la culotte dans son ménage voulut alors profiter de cette leçon et faire de même.
Il organisa chez lui un grand banquet, fit surgir un chat sur la table et, lorsque celui-ci parut, il sortit une arme et l'exécuta promptement.
Son épouse partit alors d'un immense éclat de rire et lui lança:
"Fatek adkhoul ya mahboul"
Tu as raté ton entrée, ô fou!
Autrement dit, c'est au début de notre mariage que tu aurais dû faire cela.
Maintenant c'est trop tard .
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Kan wahad anhhar djha..Il était une fois djha*

La chaleur d’une bougie :
Djha avait parié avec ses amis qu’il passerait toute une nuit d’hiver au sommet de la montagne uniquement vêtu de sa djallaba.
Pour tenir parole, il grelotta du crépuscule à l’aube durant cette nuit épouvantable muni seulement d’une bougie, mais il tint bon malgré le vent et la neige et ne redescendit qu’au matin.
Fier de son exploit, sa première visite fut, on le comprend, pour les parieurs auxquels il réclama les 100 Dinars mis en jeu.
-Peux-tu affirmer que tu n’as emporté ni réchaud ni couverture ? Lui demanda-t-on.
-Absolument pas ! Je ne portais que ma tunique sans même un burnous et pour tout dire j’avais allumé une bougie car j’ai très peur du noir.
-Une bougie ? Mais cela donne de la chaleur…Tu as donc perdu. Nous avions dit : aucun feu !...
Djha était furieux.
Sûr de son bon droit, il essaya de les convaincre, mais ils tinrent bon, affirmant que la chaleur d’une bougie permettait de supporter le froid des sommets.
Il resta quelques jours sans leur adresser la parole, puis changeant d’attitude, il les invita tous à déjeuner chez lui pour sceller leur réconciliation.
Lorsqu’ils se présentèrent à l’heure dite, leur hôte leur demanda de patienter car le repas était en train de cuire.
Ils attendirent en vain tout l’après-midi et finirent par lui demander :
-Alors, ami, et ce déjeuner ? Tu veux nous faire mourir de faim ?
-Absolument pas, venez avec moi à la cuisine, vous verrez la chorba en train de cuire.
Ils se précipitèrent à l’office et virent…une grosse marmite suspendue au-dessus d’une petite bougie allumée.
-Tu te moques de nous, crièrent-ils d’une seule voix. Tu ne vas pas nous faire croire que cette flamme minuscule va faire bouillir un pareil chaudron ?
-C’est curieux, en effet, répliqua l’hôte. Voilà des heures que j’essaie de faire cuire ma soupe à l’aide de cette bougie et je n’y arrive pas.
-Mais on n’a jamais vu quelqu’un faire bouillir sa marmite sur une bougie ! Répliquèrent ses amis. C’est ridicule !
-Vous croyez qu’elle ne donne pas assez de chaleur ?
-Bien sûr que non !
-Alors, lorsque vous avez décidé que j’avais perdu mon pari parce qu’elle me protégeait du froid, l’autre soir sur la montagne, n’étiez-vous pas malhonnêtes ? Après avoir failli me faire mourir dans la neige et les intempéries, vous m’avez volé mes 100 Dinars que vous allez me rendre immédiatement !
Et il récupéra son argent !
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« -Mais qui est donc djha ?
- Un malin qui joue des tours à tout le monde et qui roule tout le monde !
-Est-il fou ou est-il sage ?
- Les deux et c’est là sa force ! »...
Joha* (au Maghreb) Jha, Djha ou Djouha : Omniprésent dans toutes les régions qui bordent la "mer du mileu", mais selon les pays, il change de nom, da nationalité et même de religion, se fond dans la population locale et devient même indigène!
C'est un personnage ingénu et faux-naïf, ses histoires souvent naïves, courtes sont morales, bouffonnes, absurdes ou parfois coquines.
André Nahum: Humour et sagesse judéo-arabes Ed/ Desclée de Brouwer.
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